Malgré des performances financières remarquables en 2024, le groupe bancaire panafricain Ecobank projette de lever 250 millions de dollars sous forme de capital hybride. Cette décision, approuvée par ses actionnaires lors d’une assemblée générale extraordinaire, vise à renforcer sa solidité financière sans procéder à une dilution immédiate du capital.
Une nouvelle levée de fonds malgré un bénéfice record
Alors que le groupe a enregistré un bénéfice net historique de 494 millions de dollars en 2024 et ne prévoit pas de le redistribuer sous forme de dividendes, il poursuit le renforcement de ses fonds propres. Après avoir mobilisé 400 millions de dollars par émission d’euro-obligations en octobre 2024, puis 125 millions en mai 2025, Ecobank s’oriente désormais vers une émission d’instruments hybrides qualifiés de fonds propres de catégorie 1 (AT1).
Un instrument financier stratégique
Contrairement à une augmentation de capital classique, cette opération n’entraîne pas immédiatement une émission d’actions ordinaires. Les titres AT1 n’entreraient dans le capital que si la situation financière du groupe se détériorait fortement, et ce, sur décision du régulateur. Cette approche permet de préserver les intérêts des actionnaires tout en anticipant d’éventuelles pressions sur les ratios de solvabilité.
Selon le président du conseil d’administration, Papa Madiaw Ndiaye, cette opération vise à consolider la position du groupe à long terme : « Elle permettra de renforcer notre capacité à soutenir durablement la croissance du bilan. » Pour le directeur financier Ayo Adepoju, cette démarche est avant tout préventive : « Nous devons compléter nos ressources pour financer notre expansion. »
Un changement statutaire pour faciliter l’opération
Pour mener à bien cette levée, Ecobank a modifié ses statuts, en particulier une clause qui imposait à tout actionnaire franchissant les 24,99 % du capital de lancer une OPA sur le reste des actions. Cette obligation ne s’appliquera plus si ce seuil est dépassé suite à la conversion des titres hybrides. Une évolution qui, selon certains observateurs, pourrait permettre à des investisseurs majeurs comme le sud-africain PIC ou Qatar National Bank d’accroître leur influence sans contrainte réglementaire.
Des signaux de prudence malgré des indicateurs positifs
En dépit d’un ratio CET1 supérieur aux normes et d’un rendement sur fonds propres tangibles (ROTE) record de 32,7 %, le groupe reste prudent. Environ 30 % de son portefeuille de prêts présente des niveaux de risque variés, et près de 9 % des créances sont placées sous surveillance étroite. Cette prudence se justifie également par la volatilité économique dans certaines filiales clés comme le Nigeria, le Zimbabwe ou la RDC.
Les dépôts – représentant 63 % du passif du groupe – étant sensibles à la conjoncture, Ecobank veut maintenir la confiance et éviter tout choc de liquidité.
Un coût du capital élevé
Ce type d’instrument AT1, bien que qualifié en fonds propres, n’est pas sans coût. Les précédentes émissions obligataires ont offert des taux supérieurs à 9 %, et les nouveaux titres pourraient offrir un rendement de 10 % ou plus. Cette rémunération élevée vise à compenser le risque perçu par les investisseurs sur les marchés africains.
Des attentes fortes sur le dividende
L’absence de distribution de dividendes en 2024 a suscité la frustration de nombreux actionnaires, certains étant présents depuis la création du groupe en 1984. Plusieurs voix ont exprimé leur mécontentement lors de l’assemblée. Face à cette pression, le président du conseil et le directeur général ont tous deux réaffirmé leur volonté de restaurer la capacité de distribution, dès que la situation le permettra.